Les écoles de statistique en Afrique : piliers du développement et de la transformation économique

Les écoles de statistique en Afrique : piliers du développement et de la transformation économique

Hugues Sila[1]

Introduction

La statistique joue un rôle fondamental dans le développement économique et social des pays africains. Une bonne production et une utilisation efficace des données permettent aux gouvernements et aux institutions de prendre des décisions éclairées en matière de politiques publiques, de suivi des progrès économiques et sociaux et d’évaluation des impacts des réformes.

Pour répondre au besoin croissant de statisticiens qualifiés sur le continent, plusieurs écoles spécialisées ont été créées en Afrique, formant des professionnels capables de collecter, analyser et interpréter les données nécessaires à la prise de décisions stratégiques. Cet article explore le paysage des écoles de statistique africaines, leur rôle, leurs défis et leur contribution au développement du continent.

Les principales écoles de statistique en Afrique

L'Afrique dispose de plusieurs écoles de formation en statistique, principalement regroupées en cinq grandes institutions régionales financées par des partenaires internationaux et africains :

1. L’École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée (ENSEA) – Côte d’Ivoire

Fondée en 1961 et basée à Abidjan, l’ENSEA est l'une des principales écoles de statistique en Afrique francophone. Elle forme des cadres supérieurs en statistique et en économie appliquée, avec des formations adaptées aux besoins des administrations publiques, des organisations internationales et du secteur privé.

L’ENSEA propose plusieurs cycles de formation :

• Adjoints techniques de la statistique (ATS) ;
• Ingénieurs des travaux statistiques (ITS) jusqu’en 2022 ;
• Ingénieurs statisticiens-économistes (ISE);
• Analystes Statisticiens (nouvelle formation adaptée aux besoins du marché en data science et analyse avancée des données)

2. L’Institut Sous-régional de Statistique et d’Économie Appliquée (ISSEA) – Cameroun

L'ISSEA, basé à Yaoundé, Cameroun, est une institution de référence pour la formation en statistique en Afrique centrale. Créé en 1961, il dessert principalement les pays membres de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).

L’ISSEA propose plusieurs formations :

• Techniciens supérieurs en statistique (TSS) ;
• Ingénieurs des travaux statistiques (ITS) jusqu’en 2022 ;
• Ingénieurs statisticiens-économistes (ISE);
• Analystes Statisticiens, une formation récemment introduite pour répondre aux besoins en big data et analyse économique.

3. L’École Nationale d’Économie Appliquée et de Management (ENEAM) – Bénin

Située à Cotonou, Bénin, l’ENEAM est une école de formation en statistique et en économie appliquée qui joue un rôle clé dans l’espace Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).

L’ENEAM propose plusieurs formations en statistique et économie appliquée, dont :

• Licence en statistique et économie appliquée ;
• Master en statistique et économie appliquée ;
• Formations en gestion, management et finance quantitative ;
• Ingénieurs statisticiens-économistes (ISE);

4. L’École de Statistique et de Planification (ESP) – Ouganda

Située à Kampala, l’ESP est une institution anglophone qui forme des experts en statistiques et en planification économique. Elle joue un rôle clé dans l’amélioration des capacités statistiques des pays anglophones d’Afrique.

L’école propose des programmes allant du niveau licence au master, couvrant divers domaines tels que la statistique appliquée, la planification du développement et l'analyse des données.

5. L’École Nationale de la Statistique et de l’Analyse Économique (ENSAE) – Sénégal

Basée à Dakar, l’ENSAE Sénégal forme des statisticiens et des économistes destinés à travailler dans les administrations publiques, les instituts nationaux de statistiques et les organisations internationales. Elle fait partie des écoles d’excellence qui alimentent la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et d'autres institutions régionales.

Ses principales formations incluent :

• Ingénieur statisticien économiste;
• Technicien supérieur en statistique;
• Master en data science et statistique appliquée ;
• Analystes Statisticiens, une formation qui intègre l’apprentissage des outils de gestion des données massives et de l’analyse économique avancée.

Le rôle des écoles de statistique dans le développement de l’Afrique

Les écoles de statistique africaines sont essentielles pour plusieurs raisons :

1. Renforcement des capacités institutionnelles

Les diplômés de ces écoles intègrent des institutions nationales comme les instituts de statistiques, les banques centrales et les ministères, contribuant ainsi à l'amélioration de la qualité des données et des politiques publiques.

2. Appui à la prise de décision basée sur les données

Une information statistique fiable est indispensable pour la mise en place de politiques économiques efficaces. Grâce aux statisticiens formés en Afrique, les gouvernements disposent de données solides pour élaborer des plans de développement cohérents.

3. Contribution à la transformation numérique et à la data science

Avec l’essor du numérique et de l’intelligence artificielle, les écoles de statistique africaines adaptent leurs programmes pour inclure des cours de data science, de modélisation économique et de gestion des mégadonnées.

Défis et perspectives d’avenir

1. Financement et infrastructures

Malgré leur rôle crucial, plusieurs écoles de statistique africaines souffrent d’un manque de financement, ce qui limite leurs capacités en matière d’infrastructures, d’équipements informatiques et de recherche.

2. Alignement sur les besoins du marché

Le marché de l’emploi évolue rapidement avec la montée en puissance de l’économie numérique. Les écoles doivent adapter leurs formations pour inclure davantage de compétences en data science, intelligence artificielle et analyse prédictive.

3. Internationalisation et reconnaissance des diplômes

L’un des défis majeurs reste l’harmonisation des diplômes pour faciliter la mobilité des étudiants et des professionnels entre les pays africains et à l’international.

4. Renforcement des partenariats

Le renforcement des collaborations avec les universités internationales, les organisations internationales et le secteur privé permettrait aux écoles de statistique africaines de diversifier leurs sources de financement et d’améliorer la qualité de la formation.

Conclusion

Les écoles de statistique en Afrique jouent un rôle déterminant dans le développement du continent en formant des experts capables de produire et d’analyser des données essentielles à la prise de décision. Grâce à ces institutions, l'Afrique dispose de ressources humaines qualifiées pour relever les défis économiques et sociaux, renforcer la gouvernance et promouvoir l’innovation numérique.

Toutefois, pour maximiser leur impact, il est crucial d’investir davantage dans ces écoles, d’adapter les formations aux nouvelles réalités du marché et de renforcer les partenariats avec les acteurs internationaux et le secteur privé. Le développement d’une expertise statistique de qualité est une condition essentielle pour assurer une croissance économique durable et inclusive en Afrique.