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La Dette Publique des États de l'Afrique Subsaharienne : Enjeux et Perspectives

La question de la dette publique constitue un enjeu majeur pour les économies de l'Afrique subsaharienne. Après des décennies marquées par des initiatives d’allégement, notamment dans le cadre de l’initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) et de l’Initiative d’Allégement de la Dette Multilatérale (IADM), la dynamique d’endettement de nombreux États de la région suscite à nouveau des préoccupations. L’accumulation récente de dettes, conjuguée à une conjoncture économique mondiale incertaine, met en exergue des défis de soutenabilité, de diversification des sources de financement et de gestion des risques macroéconomiques.

Une dynamique d’endettement en forte accélération

Au cours des deux dernières décennies, la dette publique des pays d'Afrique subsaharienne s'est inscrite dans une tendance haussière. Après une nette réduction entre 2000 et 2010, sous l’effet des initiatives internationales d’annulation, la dette a recommencé à croître de manière significative, atteignant des niveaux préoccupants dans certains pays. Selon les données du Fonds Monétaire International (FMI), le ratio moyen dette/PIB dans la région avoisine aujourd’hui 60 %, avec des écarts notables entre les économies.

Plusieurs facteurs expliquent cette montée en flèche de l’endettement. Tout d’abord, la diversification des sources de financement a favorisé un recours accru aux marchés financiers internationaux. Contrairement aux périodes antérieures où l’endettement était principalement constitué de prêts concessionnels auprès d’institutions multilatérales, de nombreux États émettent aujourd’hui des euro-obligations (eurobonds) à des taux parfois élevés. Par ailleurs, la Chine et d’autres créanciers bilatéraux émergents ont joué un rôle croissant dans le financement des infrastructures africaines, augmentant ainsi l’exposition de certains pays à des dettes à conditions moins favorables.

La pandémie de Covid-19 et les chocs exogènes récents, notamment la flambée des prix des matières premières et les tensions géopolitiques, ont aggravé la situation budgétaire de plusieurs États. La nécessité de financer des plans de relance économique et de compenser les pertes de revenus fiscaux a conduit à une intensification des emprunts publics, aggravant ainsi la vulnérabilité de certains pays.

Les risques liés à l’insoutenabilité de la dette

Le principal défi auquel sont confrontés les États subsahariens réside dans la soutenabilité de leur dette. Une proportion croissante de pays est aujourd’hui classée par le FMI en situation de surendettement ou à haut risque de surendettement. La charge du service de la dette absorbe une part de plus en plus importante des recettes publiques, limitant ainsi les marges de manœuvre budgétaires et l’investissement dans les infrastructures et les services sociaux.

Le recours accru aux emprunts commerciaux pose également un problème de vulnérabilité aux fluctuations des taux d’intérêt et des taux de change. La plupart des emprunts libellés en devises étrangères exposent les pays à des risques de refinancement en cas de dépréciation monétaire. De surcroît, la hausse des taux directeurs des principales banques centrales, en réponse à l’inflation mondiale, renchérit le coût des nouveaux emprunts et complique les stratégies de refinancement.

Un autre problème majeur réside dans le manque de transparence entourant certaines dettes publiques, en particulier celles contractées auprès de créanciers bilatéraux non traditionnels. L’opacité des conditions de certains prêts et l’absence de mécanismes de suivi rigoureux compliquent l’évaluation des risques et la mise en place de stratégies d’assainissement budgétaire.

Vers une gestion plus prudente et des alternatives au surendettement

Face à ces défis, plusieurs pistes sont envisageables pour améliorer la gestion de la dette et réduire la dépendance aux financements extérieurs onéreux.

D’une part, il est essentiel d’optimiser la mobilisation des ressources domestiques. L’élargissement de l’assiette fiscale et l’amélioration de la gouvernance budgétaire peuvent contribuer à limiter le recours à l’endettement. Une meilleure gestion des finances publiques, avec une rationalisation des dépenses et une lutte accrue contre la corruption, permettrait d’améliorer l’efficacité des investissements publics et d’atténuer les déséquilibres budgétaires.

D’autre part, la mise en place de stratégies de financement plus diversifiées est indispensable. Le développement des marchés obligataires domestiques pourrait offrir une alternative plus stable aux emprunts extérieurs, réduisant ainsi la dépendance aux fluctuations des marchés internationaux. De plus, des mécanismes innovants, tels que les obligations vertes et les financements adossés aux recettes d’exportation, peuvent offrir des solutions adaptées à certaines économies de la région.

Enfin, un dialogue renforcé avec les créanciers internationaux est nécessaire pour mettre en place des mécanismes de restructuration de la dette plus efficients. Le Cadre Commun du G20 pour le traitement de la dette vise à offrir un allégement aux pays confrontés à des difficultés de remboursement, mais son efficacité reste limitée en raison de la réticence de certains créanciers à participer aux efforts collectifs de restructuration.

Conclusion

La dette publique des États d’Afrique subsaharienne constitue un levier crucial pour financer le développement, mais sa gestion requiert une approche prudente et stratégique. Dans un contexte marqué par l’incertitude économique mondiale et des taux d’endettement élevés, la soutenabilité de la dette doit être au cœur des politiques économiques des gouvernements africains. Une gestion plus rigoureuse, combinée à des réformes structurelles et à un dialogue international constructif, sera déterminante pour assurer la stabilité macroéconomique et favoriser une croissance inclusive et durable.

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